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Crédit Photo : Epsiloon

Alexandra Pihen est lauréate du prix du journaliste scientifique 2022 de l’AJSPI. Son parcours reflète un véritable attachement à transmettre la connaissance scientifique au plus grand nombre. Portrait.

Son moteur, c’est l’émotion. Alexandra Pihen suit son instinct, guidée par sa volonté de transmettre et de partager. Enfant, elle s’épanouit dans l’apprentissage hors-les-murs, à observer les animaux dans la montagne ou faire le potager en compagnie de son grand-père. Pas assez docile pour l’école traditionnelle, elle souhaite tout de même suivre des études de psychologie. Autorité parentale oblige, ce sera une faculté de Physique à Amiens.

Personnaliser les apprentissages

Son diplôme de Physique générale en poche, elle décide de se lancer dans un DESS en ingénierie pédagogique et multimédia, à Lille. Le but ? Apprendre à utiliser les outils multimédias du domaine de l’apprentissage. « Après un cursus ennuyeux, je me suis dit qu’il serait intéressant d’individualiser l’apprentissage, de le plus attentif aux personnes et à leur façon de fonctionner », confie-t-elle. À l’issue de sa formation, elle crée Pense-tête, avec deux collègues de promotion et son ancien maître de stage. Une société dans l’air du temps au début des années 2000 : « C’étaient les premiers projets multi-éducatifs et culturels et les débuts du e-learning. » Pense-Tête se donne pour objectif de transmettre la connaissance adaptée à un public donné. Durant douze ans, Alexandra Pihen travaille notamment avec la Cité des sciences et de l’industrie, la cité de l’Espace, le Louvre, Voies Navigables de France. En fouillant de multiples sujets et en constituant des bibliographies conséquentes, la jeune femme fait, sans le savoir, le lit de son futur de journaliste scientifique.

Du e-learning à la pige

Après une décennie de bons et loyaux services, l’aventure s’arrête. Deux cambriolages et une concurrence qui casse les prix sonnent la fin d’une tranche de vie. « On avait beaucoup de travail, mais on n’était pas très bons commerciaux», lance- t-elle dans un rire. En 2013, avec deux enfants en bas âge, elle passe alors le concours de l’ESJ de Lille, filière de journalisme scientifique (JS). Rapidement, vient le temps des premières piges : une collaboration régulière avec Science & Vie, et bien d’autres, par exemple pour la Société Française de Physique, Universcience, Industrie et Technologies, le Centre National de Ressources et de Résilience (Cn2r), le Forum départemental des sciences de Villeneuve d’Ascq, etc. Alexandra Pihen collabore aussi à l’École des parents, un magazine à destination des établissements scolaires et des parents d’élèves. L’occasion de renouer avec son goût de la pédagogie innovante.
En 2019, elle retourne même à l’école, mais cette fois-ci de l’autre côté, en tant que responsable de la filière journalisme scientifique. « C’était génial, ça m’a vraiment permis de mettre en œuvre une pédagogie différente qui me semblait plus cohérente », se souvient-elle avec enthousiasme.

Vers l’infini, et au-delà ?

Aujourd’hui, dans sa vie de journaliste, Alexandra Pihen a une grande appétence pour la biologie et surtout pour l’enquête. C’est d’ailleurs une histoire aux accents de science-fiction qu’elle nous raconte dans « La première plante sociale », l’article qui lui vaut le prix du journaliste scientifique 2022. « Lorsque je suis sensible à une actualité, je la creuse. Quitte à y passer un temps fou, explique-t-elle. Si j’ai ce déclic, cette accroche par l’émotion, alors peu importe le sujet, j’investigue pour transmettre cette émotion au lecteur. » C’est donc la mort dans l’âme qu’elle voit se dissiper cette possibilité de transmettre selon ses valeurs lors du rachat de Science & Vie par Reworld Media. Voyant qu’elle ne fera entendre ni ses droits ni ses valeurs face à l’acquisition du magazine, elle pose sa démission. Peu encline à rejoindre la concurrence, elle pense alors à la gestion de maisons de retraite d’un nouveau genre… un autre projet qui lui tient à cœur. Mais le journalisme n’en a pas fini avec elle et un coup de téléphone dominical lui remet le pied à l’étrier: on lui propose de prendre part à la création d’Epsiloon, un nouveau magazine d’actualité scientifique grand public. « C’était le plus beau dimanche de l’année 2021, je n’ai pas hésité une seconde ! » En acceptant, elle renoue avec son ancien statut de salarié, quitté neuf ans plus tôt. Plus question de gérer ses piges et sa vie dans son coin, la voici à nouveau au cœur d’une aventure humaine qui réclame un gros investissement collectif. « On est toujours en train de se remettre en question, on a passé énormément de week-end, de soirées et de nuits à travailler mais on porte tous les mêmes valeurs et on est supers exigeants. Et toujours dans la bienveillance. »

Les nombreux rebondissements du parcours d’Alexandra Pihen n’ont pas érodé sa détermination à créer. S’engager dans quelque chose de plus tranquille était de toute façon impensable. « Le train-train routinier d’un boulot sans plaisir, juste pour gagner de l’argent, m’aurait beaucoup plus usé », assure-t-elle. Pleine d’enthousiasme et le sourire aux lèvres, la journaliste ne saurait mieux conclure : « Jusqu’à présent ça a pas mal marché de suivre son cœur… »

Théo Tzélépoglou