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Les objectifs du projet de recherche GEENAGE soutenu par Lorraine Université d’Excellence sont la compréhension et la prévention du vieillissement normal et pathologique. Il se concentre sur les répercussions tardives d’évènements précoces comme l’exposition in utero à certaines carences métaboliques, l’existence de facteurs de risques cardio-vasculaires ou de maladies inflammatoires chroniques.

En étudiant les facteurs génétiques et épigénétiques qui peuvent influer sur les maladies cardio-vasculaires et sur les maladies métaboliques, le projet GEENAGE s’est notamment concentré sur les télomères, structures qui protègent l’extrémité des chromosomes, pour mieux comprendre leur rôle sur la santé et sur le vieillissement. Toute la question étant de savoir si leur longueur est juste un indicateur de l’âge biologique ou bien un réel déterminant des trajectoires du vieillissement.

La présence de télomères courts est en effet associée à une prévalence accrue de maladies dégénératives liées au vieillissement. Les liens mécanistiques de cette association sont l’objet de plusieurs travaux de recherche fondamentale et clinique. La réponse à cette question est d’une importance majeure pour la définition de stratégies préventives et thérapeutiques du vieillissement pathologique.

Des études confirmant l’hypothèse du rôle causal de la longueur des télomères

Le 30 juin, à l’occasion du webinaire de Lorraine Université d’Excellence, le professeur Athanase Benetos, professeur de gériatrie et de biologie du vieillissement  au CHRU de Nancy, et le docteur Simon Toupance, maître de conférences en biologie cellulaire et moléculaire à l’Université de Lorraine, ont évoqué deux études confirmant le rôle des télomères dans la prédisposition à certaines pathologies et dans leur sévérité :

– Le lien entre la longueur des télomères et la sévérité de la Covid-19 liée au nombre de lymphocytes chez les personnes âgées hospitalisées pour COVID-19.

Mi-2020, 38 personnes, âgées de 65 à 104 ans, ont été admises au service de gériatrie du CHRU de Nancy : 17 patients ont été hospitalisés pour la Covid-19, les 20 autres pour diverses raisons.

Des échantillons de sang ont été prélevés chez l’ensemble de ces patients pour enregistrer le nombre de lymphocytes après un test de numération globulaire complet. La longueur et la distribution de leurs télomères ont été mesurées[1] pour être ensuite corrélées avec le nombre de lymphocytes chez les patients Covid-19 et les patients non-Covid-19. Ces corrélations ont enfin été comparées entre ces deux groupes de patients. 

Le nombre de lymphocytes était plus faible chez les patients COVID-19 que chez les patients non-COVID-19. Le nombre de lymphocytes était inversement corrélé à la proportion de télomères plus courts. Une baisse du nombre de lymphocytes T est la principale cause de la lymphopénie de la maladie à coronavirus 2019, dont l’ampleur est un indicateur de la gravité de la COVID-19.

Les résultats ont démontré que les personnes infectées par le SARSCoV-2 et ayant des télomères courts accusent un retard dans leur réponse immunitaire, ce qui entraine un déficit de leur pool sanguin de lymphocytes T. Ils suggèrent également que COVID-19 expose les réserves réplicatives limitées dépendantes de la longueur des télomères des cellules T chez les personnes âgées avec des télomères courts.

Les données obtenues par d’autres groupes chez des enfants atteints de COVID-19 confirment cette corrélation. Les enfants qui sont par ailleurs en bonne santé présentent généralement une évolution clinique bénigne lorsqu’ils sont infectés par le SRAS-CoV-2. Alors que la lymphopénie est une caractéristique pronostique majeure de la COVID-19 chez l’adulte, il s’agit d’un aspect mineur de faible valeur pronostique chez les enfants atteints de la COVID-19. La longueur moyenne des télomères chez les enfants étant plus importante que chez les adultes, leur capacité réplicative pour accélérer rapidement la production de lymphocytes T compense même une perte drastique de ces cellules T due à une infection par le SRAS-CoV-2.

Cela signifie que les personnes âgées ont un désavantage réplicatif considérable par rapport aux adultes plus jeunes, ce qui pourrait contribuer à la propension des personnes âgées à la lymphopénie COVID-19 sévère. Cela dit, à la naissance, la longueur des télomères est très variable d’un individu à l’autre, puisque l’héritabilité est estimée à environ 70% pour la longueur des télomères et à environ 30% pour leur raccourcissement en fonction de l’âge. La longueur à la naissance est donc une source majeure de la variation observée chez les adultes. Cette variabilité de la longueur des télomères pourrait expliquer en partie les formes sévères de COVID-19 chez les jeunes adultes à télomères courts.

Bien que menée sur une petite cohorte de personnes âgées d’ascendance européenne, toutes survivant à la maladie pendant au moins 15 jours, cette étude a fourni le cadre optimal pour examiner le lien entre la longueur des télomères et la lymphopénie dans cette maladie.

Association longitudinale de la dynamique des télomères avec l’obésité et les troubles métaboliques chez les jeunes enfants

L’obésité et les troubles métaboliques chez les jeunes enfants représentent l’un des problèmes de santé publique les plus importants dans le monde. Des télomères plus courts sont déjà présents chez les enfants obèses. Ce qui pourrait s’expliquer soit par l’effet potentiel de l’obésité sur le raccourcissement des télomères dans une période critique de croissance et d’activité proliférative ou par le rôle causal des télomères courts préexistants sur l’obésité et le développement de troubles métaboliques.

Recrutés en 2014 et 2015, par l’équipe de la Pr. Charmandari de la Faculté de médecine d’Athènes, 73 enfants âgés de 2 à 10 ans souffrant de surpoids et d’obésité ont été suivis jusqu’en 2019[2].

Tous les examens cliniques, investigations hématologiques, biochimiques et endocrinologiques ont été réalisés dans le Laboratoire de la Pr Charmandari dans des conditions identiques. Tous les enfants et leurs parents ont été informés des complications de l’obésité et de la nécessité pour toute la famille d’adopter une hygiène de vie plus saine. Le groupe de Nancy a réalisé les mesures de télomères chez ces enfants à partir de l’ADN extrait des globules blancs de ces enfants à l’inclusion et au cours du suivi. Toutes ces mesures ont été réalisées à Nancy dans le Laboratoire des Télomères au sein de l’Unité Inserm DCAC.

Dans cette étude longitudinale sur de jeunes enfants, un raccourcissement accéléré de la longueur des télomères chez les sujets obèses n’a pas été constaté au cours de la période de suivi. En revanche, des télomères plus courts à l’origine étaient associés à des troubles métaboliques plus marqués sur cette même période. Ces résultats indiquent que les télomères courts précèdent le développement de l’obésité infantile et suggèrent que les télomères pourraient être impliqués dans le développement de cette pathologie et des troubles métaboliques très tôt dans la vie, ce qui a un impact majeur sur la santé.

Si ces résultats sont confirmés par des cohortes plus importantes, la longueur des télomères pourrait être considérée comme un facteur de risque d’obésité précoce et donc être utilisée pour proposer des interventions personnalisées pour les enfants à risque.


[1] Fruit d’une collaboration entre cliniciens, biologistes et mathématiciens, dans le cadre du projet GEENAGE, la méthode permet de mesurer la proportion des télomères courts et de connaître la distribution de la longueur des télomères. C’est une avancée majeure qui permet de démontrer que si les télomères raccourcissent avec l’âge la forme de leur distribution reste la même.

[2] En collaboration avec l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes et l’Hôpital pour enfants « Aghia Sophia » d’Athènes.