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Un nouveau mécanisme sous-jacent à l’infertilité masculine vient d’être mis en évidence par des chercheurs de l’Institut Curie et du CNRS, avec des équipes en Allemagne (Institut Max Planck de biologie cellulaire et de génétique moléculaire, Centre d’études et de recherches avancées européennes) et à l’Institut Cochin
(AP-HP, CNRS, Inserm, Université de Paris). Ils révèlent qu’une modification enzymatique particulière d’une protéine (la tubuline), appelée glycylation, est essentielle pour maintenir la nage des spermatozoïdes en ligne droite. Publiés dans Science le 8 janvier 2021, ces résultats impliquent qu’une perturbation de cette modification pourrait être à l’origine de certaines formes de stérilité masculine chez l’homme.

Le cytosquelette est un composant essentiel de chaque cellule de notre organisme. Les microtubules, de minuscules tubes constitués d’une protéine appelée tubuline, font partie de ce squelette de cellules. Les cils et les flagelles – des structures semblables à des antennes qui sont présentes à la surface de la plupart des cellules de notre corps – contiennent de nombreux microtubules. Exemple de flagelle : la queue des spermatozoïdes est essentielle à la fertilité masculine et donc à la reproduction sexuelle. Le flagelle doit battre de manière très précise et coordonnée pour permettre une nage progressive du spermatozoïde. Si ce n’est pas le cas, il peut entraîner la stérilité masculine. Pour maintenir la nage des spermatozoïdes en ligne droite, la modification de la protéine tubuline par des enzymes pourraient être essentielle. L’une de ces modifications, appelée glycylation, était jusqu’à présent l’une des moins explorées.

C’est cette glycylation qu’ont étudié de très près des scientifiques de l’Institut Curie et du CNRS, de l’Institut Max Planck de biologie cellulaire et de génétique moléculaire (MPI-CBG) à Dresde et du Centre d’études et de recherches européennes avancées (Caesar) à Bonn en Allemagne et en collaboration avec des chercheurs de l’Institut Cochin (AP-HP, CNRS, Inserm, Université de Paris), l’Université de Bonn et la Technopole humaine de Milan (Italie). Ils ont constaté qu’en l’absence de glycylation sur la tubuline, la façon dont les flagelles battent est perturbée, ce qui fait que les spermatozoïdes nagent le plus souvent en rond. Sudarshan Gadadhar postdoctorant à l’Institut Curie, explique : « Le noyau du flagelle du spermatozoïde est composé de microtubules, ainsi que de dizaines de milliers de minuscules moteurs moléculaires, appelés dynéines, qui permettent de courber rythmiquement ces microtubules afin de produire des « vagues » pour le mouvement et le pilotage. L’activité de ces dynéines doit être étroitement coordonnée. En l’absence de glycylation, elles sont devenues non coordonnées, et en conséquence, nous avons soudainement vu des spermatozoïdes nager en rond ».

« Nous avons observé des défauts fonctionnels sur le sperme de souris dépourvues de glycylation, ce qui a entraîné une réduction de la fertilité. Un défaut similaire chez l’homme pourrait conduire à la stérilité masculine », explique Carsten Janke, directeur de recherche au CNRS, chef d’équipe dans l’unité « Intégrité du génome, ARN et cancer » (Institut Curie/CNRS/Université Paris Saclay).

Pour découvrir pourquoi le manque de glycylation a conduit à une perturbation de la motilité des spermatozoïdes et à la sous-fertilité masculine, les chercheurs ont utilisé la cryo-microscopie électronique pour visualiser la structure moléculaire du flagelle et de ses moteurs moléculaires – des dynéines. L’analyse des flagelles a révélé que la mutation interfère non pas au niveau de l’architecture du flagelle mais plus subtilement avec la coordination de l’activité des dynéines – les moteurs qui alimentent le battement du flagelle. Cela explique pourquoi la nage des spermatozoïdes est perturbée.

Pourquoi cette découverte est-elle si importante ? Gaia Pigino qui travaille au MPI-CBG et à la Technopole humaine, et Luis Alvarez du Caesar, résument : “Cette étude, qui montre à quel point la glycylation est importante pour le contrôle des moteurs appelés dynéines dans le flagelle, est un excellent exemple de la façon dont les modifications du cytosquelette microtubulaire affectent directement la fonction d’autres protéines dans les cellules. Nos résultats apportent la preuve directe que les microtubules jouent un rôle actif dans la régulation des processus biologiques fondamentaux par le biais d’un code de modifications de la tubuline »

Référence :

Sudarshan Gadadhar, Gonzalo Alvarez Viar, Jan Niklas Hansen, An Gong, Aleksandr Kostarev, Côme Ialy-Radio, Sophie Leboucher, Marjorie Whitfield, Ahmed Ziyyat, Aminata Touré, Luis Alvarez, Gaia Pigino, Carsten Janke: “Tubulin glycylation controls axonemal dynein activity, flagellar beat, and male fertility”, Science, 8. January 2021. doi: 10.1126/science.abd4914

A propos de l’Institut Curie

L’Institut Curie, 1er centre français de lutte contre le cancer, associe un centre de recherche de renommée internationale et un ensemble hospitalier de pointe qui prend en charge tous les cancers y compris les plus rares. Fondé en 1909 par Marie Curie, l’Institut Curie rassemble sur 3 sites (Paris, Saint-Cloud et Orsay) 3 600 chercheurs, médecins et soignants autour de ses 3 missions : soins, recherche et enseignement. Fondation privée reconnue d’utilité publique habilitée à recevoir des dons et des legs, l’Institut Curie peut, grâce au soutien de ses donateurs, accélérer les découvertes et ainsi améliorer les traitements et la qualité de vie des malades. Pour en savoir plus : curie.fr

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